— Et c’est bien pour cela, mesdames et messieurs, qu’il faut toujours se méfier des individus en imperméable rouge.
La conclusion peut paraître absurde, pourtant tout l’auditoire semble fasciné. Sur l’estrade du conférencier, une jeune femme, pas très haute dans ses baskets usées, fait les cents pas. Elle fait de grands gestes lorsqu’elle parle et digresse souvent, ponctuant certaines remarques d’un rire enfantin. Ses lunettes de soleil reposent sur son crâne, même dans l’auditorium, et parfois celles-ci retombent sur son nez en plein milieu d’une tirade enflammée sur le déclin du capitalisme.
Elle parle fort, rit beaucoup, insulte pas mal le dernier politicien élu à la Chambre, il est vrai. Pourtant, ses extravagances ne font naitre que des sourires qui l’encouragent dans ses tirades, alors que l’heure passe et que les claviers des ordinateurs sont malmenés par les doigts avides de tout saisir. Jamais le constructivisme russe n’a paru aussi passionnant, et Malevitch reprend à son ton une grandeur quelque peu oubliée. Très vite, un autre parallèle se dresse, et l’intervenante repart dans une direction fantasque.
— Très franchement, L'International Klein Blue n’a aucune valeur plastique et n’en aura jamais. C’est juste un coup de pub bien amorcé.
Et la voilà qui continue, alors qu’un autre artiste ne devient sa cible. Elle n’aime pas grand monde, la rouquine à l’accent étranger, lorsqu’on l’écoute d’une oreille distraite, pourtant parfois un sourire amusé voire affectueux la prend à l’évocation de quelque autodidacte raté. Peu de personnes trouvent grâce à ses yeux, selon ses dires, et elle apostrophe ses élèves au regard morne, n’hésite pas à pousser, appeler, crier son irrespect pour enfin faire naitre quelque flamme dans leur regard.
— En fait, le bleu est une illusion. Votre vie est un mensonge. Je vous laisse méditer là-dessus.
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(Et voilà.
Quelques clics sur internet, et on peut retrouver ton nom.
Si un jour tu avais pu imaginer qu’une telle chose soit possible…
Et déjà pas mal de tes élèves ont fait le parallèle, il faut dire. Ils trouvent cela amusant. Les cons. Ta ressemblance avec la figure dans les bouquins d’histoire de l’art. Et ton nom. Tss. Heureusement que la venue d’internet est également allée de pair avec une baisse sensible du QI d’autrui. Sinon. Cela aurait fait des décennies que l’on t’aurait grillée.
Enfin. Bref.
Hanne Kirsten Joah Andersen.
Voyons ce que Wikipédia a à dire dessus.)
Hanne Kirsten Joah Andersen (de son nom d’artiste, Joah Andersen), née à Copenhague le 6 juin 1867, morte à Londres le 5 Septembre 1905, est une artiste danoise.
Malgré une carrière artistique assez courte (1883-1905), elle est considérée comme l'une des plus importantes protagonistes de l'avant-garde picturale de l'avant-guerre. Elle est notamment connue pour ses paysages d’incendies (L’incendie de Londres n°3, Copenhague en flammes, Maelström) et pour être responsable de l’incendie de Londres de 1905.
Elle recherche toute sa vie un travail pictural fort, aux couleurs vives mais réalistes, ce qui l'amena à étudier la sculpture, mais également les débuts de la performance. Selon elle la peinture est « un exutoire, la façon la plus radicale et la plus saine de cracher au monde l’étendue de la folie humaine » (cf. journal, 1885-1889, éditions Sterling). Ses tableaux controversés après le crime qui fut aussi son suicide sont aujourd’hui exposés à travers le monde.
Ses descendants sont Vincent Théodore Andersen (1885-1961), violoniste et compositeur, ainsi que Kirsten Anika Andersen (1889-1940), peintre associée au courant expressionniste.
Chacune de ces expositions a été l’objet de nombreuses controverses, pour mettre sur le devant de la scène une artiste reconnue par la justice (cours de Londres, 1908) comme une criminelle. Cependant, les juristes s’accordent à dire qu’aujourd’hui la loi statuerait sur le verdict d’une maladie mentale non prise en charge. De ce fait, Andersen ne serait plus reconnue comme responsable des faits ; propos dénoncés par nombre d’associations qui parlent de déresponsabilisation d’une criminelle. Cependant, à ce jour, aucune toile n’a été retirée des centres d’art.
112 ans après sa mort, Joah Andersen continue d’exercer une certaine fascination chez nombre d’artistes, de critiques et de psychiatres.
Voir aussi : articles de références :Joah Andersen, le feu dans les yeux, Jude Penny (2005, 1h15)
Burning London to the ground, Paul O’Malley (1995, éditions Sterling)
Journal I, II, III et IV, Joah Andersen (1883-1902, éditions Sterling)
Watch me burn, David Cameron (2015, 3h03)
Le Pari(s) d’Andersen, Exposition du 8 septembre au 5 décembre 1985, Musée du Louvres
Burning Down, Exposition du 13 mars au 24 août 2009, Tate Modern
Ashes to ashes, Exposition du 20 février au 6 avril 2015, MOMA
(Tes détracteurs ont raison sur un point : tu étais parfaitement consciente de ce que tu étais en train de faire, le jour où tu as fait exploser le pont et la grille de la Chambre des Lords. Le jour où tu as réduit en cendre ce quartier de Londres, et ces familles, et toi-même.
Sauf que.
Tu n’es pas morte.
Réincarnée par un ancêtre maudit, tu as été plongée en Enfer. Rencontrant enfin le foyer de ta déchéance ; Franz Aschenbrenner. Ton aïeul. Pirate maudit par ses pairs, porteur de la malédiction qui t'a menée à ta perte.
Et puis tu as brûlé, des mois durant. Ne maîtrisant pas ce corps démoniaque dont tu étais désormais affublée. Ces capacités trop puissantes pour un être tel que toi, aux pensées encore profondément humaines, à la peine encore vive. Où étaient tes enfants ? S'en étaient-ils sortis ? Tu étais morte...
Tu avais si bien accepté la mort que son absence te plongea dans un profond désarroi.
Franz passa des mois entiers à t'aider à contrôler ton pouvoir. Au moins t'empêcher de brûler. Dans ce monde de cendre et de soufre, tu faisais office de soleil. Un soleil, oui... ironique.
Et puis Franz t'as trahie. Il t'as trahie alors que, voulant comprendre ce monde nouveau, tu t'étais mise à dénigrer les enfers. Leur organisation. Lui aussi les méprisait. Mais ce que tu ne savais pas, c'est que le Phénix était déjà un paria.
Alors, lorsque les magistraux l'ont retrouvé, il a fuit. Te laissant derrière lui. Te laissant à leur merci. Combien d'entre eux sont morts, avant de parvenir à te maîtriser...
Cela, Wikipédia ne le dit pas.)
(Tu sais ce que Wikipédia ne dit pas non plus ?
Les années de torture qui se sont suivies. Ton corps, d'abord soumis aux pires sévices physiques. Puis psychologiques, une fois le bourreau certain que les coups ne te feraient pas ployer.
Il t'a plongée dans le noir.
Seule.
Ton seul contact ; sa silhouette, apparaissant rarement au coin de ta vision. Et tu as craqué...
Tu as craqué. Tu t'es brisée au bout de tant d'années, victime de ce syndrome qui te faisait l'aimer. Victime de ta propre solitude. De ta colère envers Franz. De ces réflexes démoniaques que tu ne parvenais pas à contrôler... tu as accepté de ployer, et tu es entrée à son service. Son assistance.
Et pendant des dizaines d'années, tu as torturé à ses côtés. Jusqu'à craquer à nouveau. Refuser cet état de servitude dans lequel tu t'étais enlisée. Monter une révolte, surmonter la terreur et l'attachement développés à l'égard d'Alastor. Et puis tu es partie...)
(Tu ne fus pas une bonne personne, ni une bonne mère, selon tes dires. Un être humain raté en tous points. Jusqu’à mourir pour tenter d’étouffer la folie qui était en train de se propager jusqu’à ta petite fille. Jusqu’à faire peser sur les épaules de tes enfants le poids de tes actes. De ton histoire trop sulfureuse pour l’époque.
Ont-ils seulement été heureux ?
Kirsten a été déportée durant la seconde guerre mondiale. Les camps ne lui ont laissé aucune chance.
Vincent a fui assez tôt, jusqu’en Amérique. Mais ses compositions, aujourd’hui, te semblent immensément douloureuses.
Ton fils s’est marié. Mais tu perds la trace de sa descendance au fil des années.
Quant à ta fille, ses petits enfants sont devenus, par ironie du sort, des scientifiques sans cœur.)
(Ont-ils seulement été heureux ?)